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Pole Dance et autisme : quand l'union professeur/élève vous rend vos ailes !

Photo du rédacteur: SPINNING MAGAZINESPINNING MAGAZINE

Tout comme Mélanie, professeure de pole dance atteinte d'autisme, Judith est une poleuse autiste d'une trentaine d'années dont le diagnostique est tombé tardivement. C'est après de longues années à ne pas se sentir dans la norme et gênée par les désagréments causés par son trouble, qu'elle fait la rencontre de sa professeure, Romane. Celle-ci a su lui transmettre son amour pour la discipline et l'aiguiller de manière adaptée dans son évolution. Aujourd'hui, Romane joue un rôle primordial dans le quotidien de Judith.

Que tu sois élève ou professeur, autiste ou non, découvre le profil de Judith et le duo qu'elle forme avec Romane.

Judith tout d'abord, peux-tu nous dire à quel âge tu as été diagnostiquée autiste et comment cela se traduit dans ton quotidien ?

J’ai été diagnostiquée autiste dite asperger à 32 ans en Centre de Recherche suite à un long parcours thérapeutique. Ce terme n’existe plus car les troubles autistiques sont un spectre et chaque personne autiste vit son trouble à sa manière. Je suis ce qu’on appelle aujourd’hui une personne autiste sans déficience intellectuelle. Cela se traduit principalement par des troubles de la communication, un besoin très fort de rituels et de cadre, une mauvaise proprioception du corps dans l’espace. Dans mon cas il s’associe de troubles de l’anxiété, de dyspraxie et de phobie sociale. Au quotidien, je dois jongler avec les différents codes sociaux que je ne maîtrise pas, réussir à me faire comprendre et une mauvaise synchronisation de mes gestes. J’aime mes rituels, m’enrichir de mes « intérêts restreints » (animaux, lecture, pole dance, langues vivantes) et me ressourcer chez moi.


En quoi la pole t'aide t-elle à gérer ton trouble autistique ?

En tant que personne autiste, j’ai toujours eu un rapport à mon corps compliqué. Il représentait tout juste une enveloppe peu perceptible, maladroit, qu’il fallait entretenir au minimum. Poler, c’était d’abord ça, rendre la légitimité à mon corps d’exister, de s’épanouir, se développer. Me prouver qu’il pouvait aussi endurer, se surpasser, devenir gracieux et que je pouvais compter sur lui. Au delà de cette étape, les cours sont mon exutoire. J’arrive à sortir de chez moi avec moins de difficulté. Romane est mon repère et je connais le studio. Il n’y a plus de trouble en cet instant. Je suis en sécurité. Je m’amuse. Je le fais pour moi et je suis entourée de personnes bienveillantes, sans

jugement. Je peux être moi même sans filtre. Et c’est l’unique espace qui me le permet.


Lors de notre live Instagram avec Marie, également autiste, nous avons évoqué les contraintes qu'elle pouvait rencontrer lors de sa pratique. Quelles sont les tiennes ?

La coordination, la proprioception, le lâcher prise. J’ai également une mémoire très visuelle et perceptive. J’ai besoin de faire pour comprendre. Me filmer. Regarder la même vidéo encore et encore pour comprendre quel membre va où, où sont les points de grip, comment passer d’un trick à l’autre. J’ai une mémoire à court terme très mauvaise. Tout passe par la répétition du mouvement et, une fois encore, essayer de mettre le cerveau de côté pour laisser mon corps prendre les commandes. Toujours sous supervision de ma bonne fée-prof, évidemment !


Avais-tu des appréhensions à parler de ton trouble à Romane ?

Au tout premier cours, je pousse la porte de La Plume Air Club (147 rue de Lourmel 75015 Paris) et je ne l’avais même pas envisagé. J’étais vraiment cette personne effacée, raide, honteuse et paniquée. Je ne voulais pas une fois de plus, passer pour la fille bizarre. Le hasard a fait que j’ai rencontré Romane à ce premier cours, et ça a changé ma vie. J’ai beaucoup de mal avec le contact, la peur de mal faire. Elle était présente avec une pédagogie et une douceur dans ses corrections que je n’avais jamais expérimenté dans une discipline avant. L’ambiance à La Plume était douillette, chaleureuse, comme chez soi. J’ai accepté de me laisser guider, parer et surtout j’ai compris que j’avais le droit d’être là, moi aussi. Grâce aux réseaux, quelques jours après, j’ai pu la contacter et j’ai senti que j’avais besoin de lui dire, j’étais en confiance avec Romane. Aujourd’hui encore, je lui dois toute ma progression grâce à sa bienveillance et son envie de me pousser vers le haut. Elle est solaire.


Romane, était ce la première fois qu'une élève t'annonçait qu'elle était atteinte d'autisme ? Comment as tu géré cela ?

C'est la première fois que j ai une élève autiste, en tout cas qui m'en a fait part ouvertement.

Je n'ai rien fait de spécial. J’ai accueilli Judith à son premier cours à La Plume comme je le fais avec les autres élèves. J’essaie toujours de rester moi même, naturelle. Je suis de nature douce et je m'adapte facilement à la sensibilité des personnes que je rencontre, pour adapter ma façon d'aborder et enseigner la pole. Mon but n’est pas juste que l’élève fasse son cours et reparte. C'est qu'il passe un bon moment, unique et hors du temps, où on peut échapper au quotidien, et prenne un réel plaisir en classe. Il est primordial pour moi que mes élèves puissent être eux mêmes sans avoir besoin de jouer un rôle.

La pole est ma passion, elle anime ma vie, elle est mon moteur et j'adore transmettre l’amour de cette discipline à quiconque participe à mon cours.



Par quels moyens as-tu réussi à emmener Judith aussi haut que possible dans sa progression ?

Judith est très douée, même si elle en doute beaucoup. Je l’encourage souvent et la motive à aller plus loin, toujours en sécurité. Elle progresse vite mais je garde un œil protecteur sur elle lorsqu’elle évolue sur la pole. J'ai totalement confiance en ses capacités et il est vrai qu’elle est en confiance avec moi. Grâce à ce lien que nous avons construit l’évolution est hyper rapide.


Que vous êtes vous apporté mutuellement ?

Judith : Romane est entrée dans ma vie à un moment où j’étais très repliée sur moi même. Je ne voulais plus laisser entrer personne dans mon cercle d’amis. Elle m’a redonné confiance en moi, en mes capacités. Et surtout elle m’a rappelé que les personnes soucieuses d’autrui, désintéressées, passionnées et profondément humaines existent encore. Elle m’a réouverte aux autres et au partage.


Romane : Je suis de nature très dure avec moi même, très perfectionniste je m’impose une discipline très stricte. Je ne suis jamais satisfaite, exigeante. J’apprends à être plus indulgente et bienveillante envers moi même. Judith m'aide beaucoup sur ça et met en valeur mes efforts pour rendre mes cours toujours plus riches et plus plus funs.


Avez-vous un conseil à donner à toutes les poleuses/poleurs autistes et à tous les professeurs qui pourraient avoir à donner cours à ces derniers ?

Romane : Juste être soi même, ne jamais en avoir honte, trouver une safe place et écouter l’instructeur en face pour pratiquer en toute sécurité !


Judith : Ne jamais écouter la petite voix qui nous dis que nous sommes des imposteurs, que nous ne sommes pas légitimes, que l’on a pas le droit. Poler c’est soi seul face à la barre. On est finalement capables de bien plus que l’on imagine. Et pour sur, on rencontre une communauté unique ou le soutien, l’inclusivité et le plaisir sont les maîtres mots. A chaque autiste qui rêve de se lancer, je souhaite de rencontrer un professeur comme Romane qui vous fera déployer vos ailes.


Un mot pour la fin ?

Judith : Vous êtes tous légitimes et capables ! Vous avez tous le droit de vous sentir forts et beaux, de vous amuser. Répétez le vous, car ce sera vrai plus vite que vous ne le pensez.

Romane : La pole est un sport magnifique qui nous met tous sur un pied d’égalité, qu’importe nos milieux, nos physiques, nos backgrounds. C’est un sport très solidaire sans le moindre jugement. Que des bonnes énergies !



Découvre l'histoire de Marie, poleuse autiste, le second numéro de SPINNING Magazine




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